Des travaux ont montré qu'il était possible de transformer des mélanges gazeux à base de CO2 en carburants, grâce à l'énergie solaire. Et si les énormes quantités de gaz carbonique émises par les centrales thermiques, mais aussi les cimenteries ou encore les gisements de gaz naturel étaient récupérées pour fabriquer des carburants synthétiques ? Combiné à de l'eau et moyennant un apport d'énergie suffisant, le CO2 se transforme en un mélange de monoxyde de carbone (CO) et d'hydrogène (H2), à partir duquel il est possible de fabriquer, grâce au procédé Fischer-Tropsch, des hydrocarbures à chaîne longue utilisables dans les moteurs.
Pour fournir l'énergie nécessaire, des chercheurs ont eu l'idée d'utiliser des «concentrateurs» solaires comme celui d'Odeillo (Pyrénées-Orientales), qui est capable d'atteindre des températures comprises entre 200 et 3 000 °C. Le tout sans dégager de CO2.
Les travaux menés à Odeillo, sous la direction de Gilles Flamant, chercheur au CNRS, ont montré qu'il était possible, en utilisant des oxydes métalliques comme échangeurs d'oxygène, de produire des mélanges gazeux (CO2/H2) et (CO/H2) qui peuvent ensuite être transformés en carburants.
Pour l'instant le coût de production du kilogramme d'hydrogène «solaire» est deux fois plus élevé que celui produit par la filière électrolyse/énergie nucléaire. Mais Gilles Flamant pense arriver à la parité d'ici dix à vingt ans : «Les optiques et le concentrateur solaire représentent 50 % du coût. Or, le prix de ces équipements devrait baisser à l'avenir», explique-t-il en regrettant que la France ait stoppé ses recherches dans le domaine de l'énergie solaire, entre 1985 et 2000. Du coup, les pays, comme l'Espagne et l'Allemagne, qui ont poursuivi leurs efforts, se retrouvent aujourd'hui à la pointe.
Les usages bénéfiques du gaz carbonique
Le CO2 entre notamment en jeu dans la fabrication de l'aspirine ou de certaines matières plastiques. Crédits photo : Le Figaro
Jugé responsable du changement climatique, le CO2 est aussi une matière première dont les applications industrielles vont fortement croître dans les années à venir.
Le célèbre adage, «À quelque chose malheur est bon»,
pourrait fort bien s'appliquer au gaz carbonique (CO2),
ce fléau des temps modernes dont les émissions massives, générées par la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole), pourraient menacer à terme la stabilité du climat mondial.Car «si le CO2 est un ennemi, c'est aussi un bon ennemi», a souligné Michel Perrut, de la société Separex, lors du colloque organisé à Toulouse, la semaine dernière,
par la Fédération française pour les sciences de la chimie (FFC). De fait, ce composé ininflammable, non toxique (sauf lorsqu'il est inhalé à très forte concentration) et peu coûteux, a des propriétés très intéressantes qui en font une matière première de choix pour un grand nombre d'applications industrielles, notamment en chimie et en pharmacie.
Actuellement, à l'échelle mondiale, 115 millions de tonnes de CO2 générées par les centrales thermiques, les cimenteries ou les usines métallurgiques sont recyclées au lieu d'être relarguées dans l'atmosphère. Soit seulement 0,5 % de la totalité des émissions de CO2 : un niveau beaucoup trop faible pour avoir un impact suffisant sur la réduction de l'effet de serre.
Mais cette proportion devrait fortement augmenter dans les années à venir.
Selon Gabriele Genti, du département de chimie industrielle et d'ingénierie des matériaux de l'Université de Messine (Italie), «le gaz carbonique converti en produits chimiques ou en carburants synthétiques pourrait représenter à moyen terme 5 à 10 % des émissions mondiales, tout en devenant une source de richesse importante».La valorisation de ce «déchet»
pourrait notamment permettre d'alléger la facture de la «taxe carbone» et de réduire le coût final des dispositifs de capture mis en place sur les installations les plus polluantes, comme les centrales thermiques à charbon ou à fuel.
«Plutôt que de chercher simplement à réduire les émissions de gaz carbonique,
il vaut mieux se demander ce que l'on peut faire avec», souligne le chimiste allemand Walter Leitner, de l'Institut Max-Planck. La réponse est : beaucoup de choses…
Dans le domaine de la pharmacie, le CO2 sert déjà à fabriquer… de l'aspirine et il remplace avantageusement le phosgène
(un composé chloré extrêmement toxique utilisé naguère comme gaz de combat) comme composé intermédiaire.
Il est également utilisé dans la fabrication de matières plastiques, telles que les polycarbonates (montures de lunettes) ou les polyuréthanes (mousses isolantes) sans oublier des produits de base comme le méthanol ou l'acide formique qui servent, entre autres, à produire des solvants. Le CO2 entre également dans la fabrication d'urée, elle-même transformée en engrais agricole.
Dans l'agroalimentaire
À l'état surpercritique (lorsqu'il est soumis à une pression de 74 bars pour une température de 31 °C), le gaz carbonique est très largement utilisé dans l'industrie agroalimentaire
(extraction de la caféine, des arômes et parfums mais aussi des impuretés ou des pesticides) et la réfrigération.
Dans ce domaine il remplace avantageusement les fameux HFC qui, s'ils épargnent la couche d'ozone, n'en sont pas moins de puissants gaz à effet de serre.
Mais c'est surtout dans la fabrication de carburants synthétiques que le CO2 semble promis à un bel avenir. Que ce soit à partir de cultures d'algues ou de bactéries photosynthétiques «nourries» au CO2, ou de la fameuse réaction de Fischer-Tropsch qui, selon le professeur Armand Lattes, le président de la FFC,
sera «la réaction chimique du XXIe siècle».
Toutefois, la transformation du CO2 et de l'eau en monoxyde de carbone et en hydrogène étant très gourmande en énergie,
divers procédés sont à l'étude pour en améliorer le rendement.
MES SOURCES : LE FIGARO