Amazonie péruvienne : des chercheurs sauvent la mémoire des amérindiens ICRA News
Des chercheurs ont entrepris dans la haute Amazonie du Pérou de sauver la culture orale des Yaneshas, des indiens dotés d'une prodigieuse mémoire leur permettant de raconter le monde des plantes dans lequel ils vivent et avec lequel ils communiquent.
“ Il faut préserver leur mémoire” , explique l'ethno-pharmacologue Geneviève Bourdy (Institut de Recherche pour le développement, IRD) qui a co-signée une vaste étude, à mi-chemin entre herbier classique et “ bibliothèque végétale” .
“ Pour eux (les Yaneshas), les plantes sont des êtres vivants, ils communiquent avec elles” , souligne la scientifique .
Les quelques 8.500 Yaneshas, implantés à 400 km au nord-est de Lima, affirment communiquer avec l'esprit des plantes au moyen de chants, de rituels de cueillettes et, parfois, d'hallucinogènes.
Pour ces indiens, “ la plante est le chemin de rencontre du social, de la maladie, de l'ordre du monde. Il n'y a pas un acte de la vie du Yanesha qui ne soit pas lié à une plante” , affirme Mme Bourdy.
“ Il y a aussi des plantes plus secrètes ou maléfiques dont il vaut mieux ne pas parler, des plantes servant à la magie noire et d'autres qui soignent” , ajoute Céline Valadeau, une éthno-pharmacologue de l'Institut des études Andines (IFEA), co-auteur de l'étude, qui a passé plus de six mois dans trois communautés yaneshas.
“ Derrière chaque plante il y a un esprit” . Elles servent à prévenir et soigner la plupart des maux et maladies (fatigue, douleur, traumatisme, fièvre, brûlure ou morsures de serpents) mais aussi à maintenir une hygiène de vie. Pour les Yaneshas, le comportement vis-à-vis de la famille est révélateur de l'état de santé: “ Quand on a trop de haine dans le coeur, on tombe malade, la maladie est liée à des émotions fortes, facteurs de maladies” , explique Mme Bourdy. L'étude a été publiée à la demande des Yaneshas qui sont conscients de la difficulté de la transmission de leur culture orale.
En voie de paupérisation leurs communautés sont menacées par les expropriations entraînées par les cultures de palmiers à huile et le déboisement rapide de la forêt. Autrefois, les Yaneshas étaient chasseurs et vivaient aussi de la cueillette. Aujourd'hui , ils vont se louer dans des entreprises forestières et des plantations de café. L'ouvrage de référence pour les botanistes, les écologistes et les ethnologues a été établi avec la participation d'une trentaine de Yaneshas.
Il a demandé trois ans de travail afin de répertorier 300 plantes et décrire leurs utilisations par la société indigène. Outre la préservation de la mémoire, ce document publié avec l'Inrena (Institut national de Recherche des Resources naturelles) servira à protéger “ contre le bio-piratage des plantes” , notent les spécialistes.
Des firmes de cosmétiques veulent en effet fabriquer des crèmes à base de plantes. L'industrie pharmaceutique souhaite étudier les effets des plantes à des fins commerciales .
Les chercheurs ont répertorié “ neuf plantes qui sont actives contre des maladies” . Ils ont gagné leur pari de sauver cette “ bibliothèque végétale” , se félicite Céline Valadeau.
Source :
http://www.icrainternational.org/